Le Tibet et la Chine: l’interprétation de l’histoire depuis 1950

Le Tibet et la Chine: l’interprétation de l’histoire depuis 1950

Résumé

Cet article analyse la façon dont l’histoire du Tibet et ses relations avec la Chine ont été interprétées et décrites en Chine depuis 1950. La Chine a longtemps prétendu que le Tibet lui avait été rattaché au XIIIe siècle, sous la dynastie des Yuan, mais de nombreux éléments démontrent que cette interprétation est une construction du XXe siècle. Une position chinoise plus dure affirme que la Chine historique correspond au territoire de la dynastie des Qing à son apogée, et que tout ce qui se trouve à l’intérieur de ces frontières a toujours fait partie de la Chine depuis les temps anciens, bien avant la période Yuan, et même avant les débuts connus de l’histoire.

* * *

Pendant plusieurs mois, à la fin de l’année 2008, le site Internet de la Télévision centrale chinoise (CCTV) a diffusé sous ce bandeau plusieurs déclarations destinées à réaffirmer la souveraineté de la Chine sur le Tibet, en recourant à l’histoire comme arbitre de cette souveraineté. Plus que tout, ceci indique clairement l’importance que la Chine accorde à l’histoire dans sa campagne polémique au sujet du Tibet. Bien entendu, la question du Tibet est elle-même composée de plusieurs éléments: les questions des droits de l’homme, de la démographie, du développement, des langues, etc. Mais l’enjeu de l’histoire touche un nerf particulier: le statut du Tibet et, par conséquent, la question de la légitimité de son incorporation dans la République populaire de Chine. Certaines parties impliquées dans la question du Tibet voudraient que la question historique soit résolue, ou au moins ignorée, car elle représente un obstacle encombrant dans les débats sur les mesures concrètes pouvant permettre d’aboutir aujourd’hui à des solutions. Mais même dans ce cas, les raisons invoquées pour éviter la question du statut du Tibet sont souvent formulées différemment. Ceux qui se trouvent hors de Chine soutiennent souvent que l’incorporation du Tibet à la Chine est tout simplement un fait accompli irréversible. Du coté chinois, en revanche, on réagit vivement à tout argument remettant en cause l’intégration du Tibet et l’on invoque alors une conception téléologique de l’histoire, dont l’inspiration marxiste, sans être nécessairement reconnue, est néanmoins complètement intériorisée. Une téléologie aussi rigidement ancrée idéologiquement, ne peut être ignorée; par conséquent, l’une des conditions constantes imposées au dalaï-lama est qu’il accepte publiquement l’interprétation que fait Pékin de la relation historique du Tibet à la Chine.

L’affirmation que le Tibet est devenu une partie de la Chine sous la dynastie des Yuan

Ainsi, le principal débat sur le statut du Tibet est un débat sur l’histoire. Même quand les interlocuteurs souhaitent mettre de côté la question du statut, et par extension celle de l’histoire, la Chine affirme en général sa position comme un fait. Ce qui explique l’expression souvent entendue lors des introductions chinoises des débats sur le Tibet: «comme chacun sait, le Tibet fait partie de la Chine depuis des siècles» (ou parfois, plus précisément, «depuis plus de 700 ans» bien que, comme nous le verrons plus tard, même cette limite soit de moins en moins utilisée). Sur la scène internationale, la question du statut du Tibet est débattue depuis au moins un siècle. Mais ce n’est que depuis un quart de siècle que la Chine a mobilisé une large palette d’études et de documents pour plaider sa cause [1]. Le bandeau sur le site Internet de CCTV [2] que nous avons cité se trouve au-dessus de plusieurs liens sur le Tibet, dont l’un affirme: «les archives historiques démontrent que le Tibet fait partie de Chine». Ce lien conduit à un article de Xinhua, daté 7 avril:

Pékin, 7 avril (Xinhua) – Lundi, l’administration des Archives d’État de Chine a publié des documents historiques prouvant que le Tibet se trouvait sous le contrôle du gouvernement central depuis la dynastie des Yuan (1271-1368), il y a plus de sept siècles. Les archives, comprenant 15 documents officiels conférant des titres à des fonctionnaires tibétains ou annonçant l’ouverture de bureaux du gouvernement central au Tibet au cours de l’histoire, ont été publiées dans une vidéo sur le site Internet de l’administration (www.saac.gov.cn).

«Il ne s’agit que d’une toute petite partie des documents historiques», a déclaré Yang Dongquan, directeur de l’administration.

«Ces documents prouvent indiscutablement que le Tibet fait partie de la Chine depuis les temps anciens, et que le Tibet est placé sous la juridiction du gouvernement central depuis 700 ans», a-t-il ajouté, précisant qu’aucune tentative de séparer le Tibet de la Chine n’était permise.

Selon l’administration, les documents comprennent:

— un décret délivré par l’empereur Thogan Themur à Yontan Gyaltshan en 1362, qui nommait Yontan Gyaltshan au poste de commissaire de la pacification au Tibet. Il démontre que le gouvernement central de la dynastie des Yuan a mis en place le Conseil de la pacification dans la capitale Dadu, et le Département de la pacification au Tibet, afin d’exercer sa juridiction sur la région.

— un décret délivré par le premier empereur de la dynastie des Ming (1368-1644) à Hrogskunrgyal, le nommant général d’Olisi, un poste en charge des affaires militaires et administratives d’une région reculée du Tibet.

Le document le plus intéressant du lot, de mon point de vue, est probablement celui de la dynastie des Ming, puisque son inclusion sert à souligner que les Ming ont hérité des Yuan mongols la domination sur le Tibet. Le décret en question se trouve dans un ouvrage intitulé Xizang lishi dang’an huicui, publié à Pékin en 1995. Le ton du document est très direct:

De l’empereur à qui le Ciel a confié le pouvoir. Un décret impérial.

Nous régnons sur ce qui se trouve sous le Ciel. Partout, tous ceux qui admirent la vertu et Nous prêtent allégeance sont traités avec les convenances appropriées et nommés à des postes officiels. Vous, *Shuk_künkyab [3] [Shuosi gongshi jian] avez passé beaucoup de temps dans les terres occidentales, et vous avez eu connaissance de Notre renom et influence. Vous êtes capable de suivre vos propres inclinations, de démontrer de la loyauté et de l’obéissance, et de maintenir la sécurité du territoire frontalier. Nous apprécions. Nous avons désormais établi le Commandement militaire tribal de Ngari et avons ordonné que vous preniez le poste de maréchal. De plus, vous devrez bien réfléchir à tout minutieusement, être circonspect, et respecter la discipline, de façon à réconforter de façon adaptée les masses tribales, et assurer la paix dans les régions frontalières. Notre intention, avec cette nomination, est de nommer le Général Huaiyuan [«Le Général qui Chérit les Terres Éloignées»], maréchal de la Commission militaire tribale de Ngari, et Nous ordonnons par conséquent que *Shuk künkyab agisse conformément [à cette nomination].

Le 2e mois de la 6e année de Hongwu [23 février–24 mars 1373 [4]]

C’est ici que les choses commencent à devenir intéressantes. Je souligne que cette nomination – considérée avec une telle importance dans la dépêche de Xinhua, et dans le recueil d’archives dans lequel elle est présentée est datée de février–mars 1373. Il est alors étonnant de trouver dans le Ming shilu une entrée datée du 10 février 1375, signalant que:

[L’empereur] a ordonné la création du Commandement militaire tribal de Ngari, de la brigade de Phagmo drupa et du bataillon de Longda dans l’Ütsang. Treize fonctionnaires ont été nommés [5].

Ce genre de registre des nominations est relativement connu dans les études des relations sino-tibétaines. Il traite des structures administratives chargées de gérer les pays ou peuples tributaires ou d’autres problèmes frontaliers, parfois en octroyant des titres officiels. Gardons à l’esprit qu’il s’agit après tout de l’époque où, si l’on se réfère à ces notes des Ming, tout le Tibet était gouverné depuis Hezhou (l’actuel Linxia dans le Gansu), par un certain Wei Zheng [6], à partir du 23 août 1374 [7]. Ce n’était évidemment pas le cas, et Wei Zheng est totalement inconnu dans l’histoire du Tibet, bien que les Ming prétendent qu’il ait été chargé des affaires tibétaines. Reste le point le plus évident: le décret cité par la dépêche de Xinhua date de 1373 et parle de la création du Commandement militaire tribal de Ngari à ce moment-là, alors que le Ming shilu n’enregistre l’ordre impérial créant cette administration qu’en 1375. Que s’est-il passé ? Le courrier pour Ngari s’est-t-il perdu ? C’est peu probable, puisque le décret original a été découvert au Tibet. On peut en revanche le comprendre en se référant à l’invitation que les Ming avaient adressée à Tsongkhapa: son refus avait entraîné l’omission de toute référence à cette invitation dans les registres contemporains des Ming. On doit supposer que, pour une raison ou pour une autre, le décret original n’a pas été suivi d’effets. Qu’il ait été ignoré ou tout simplement laissé sans réponse – peut-être a-t-il été reçu et mis de côté – on ne saurait le dire. Peut-être, mais peut-être seulement, la création du Commandement militaire tribal de Ngari et la nomination de *Shuk…künkyab ne pouvaient-elles pas être réalisées par un simple ordre impérial, mais devaient-elle attendre jusqu’à ce que des émissaires de Ngari (ou peut-être *Shuk künkyab en personne) se rendent à la cour pour être acceptées. Il faut également souligner que le décret est un document écrit uniquement en chinois (ce n’est pas le seul de cette nature à avoir été envoyé au Tibet au début des Ming). Néanmoins, cet épisode souligne le fait que de telles nominations cérémonieuses n’allaient pas de pair avec une quelconque subordination envers la cour des Ming. Son inclusion dans l’histoire de Xinhua mine en fait ses prétentions, une fois que les circonstances précises de la création de ce Commandement militaire tribal de Ngari sont connues. Deux autres notes du shilu, relatant l’envoi d’émissaires du Commandement porteurs de tributs, remettent également en question cette version de l’histoire [8].

Le point principal des interprétations chinoises modernes de l’histoire du Tibet, en ce qui concerne son statut, est que le celui-ci est devenu une partie inséparable ou intégrante de la Chine sous la dynastie des Yuan. Mais il s’agit d’une interprétation relativement récente. À la fin des Qing, la sujétion du Tibet à la dynastie Qing était reconnue par les parties concernées, dans la forme sinon en substance. C’est cette période, et non celle des Yuan, qui était considérée comme le point de départ de l’autorité chinoise sur le Tibet. Les fonctionnaires et écrivains britanniques faisaient systématiquement référence à la domination des Qing comme à une forme de «suzeraineté», un terme suffisamment vague pour rendre confuses toutes les futures interprétations des relations sino-tibétaines. La GrandeBretagne a signé plusieurs accords dans lesquels la suzeraineté de la Chine sur le Tibet était explicitement reconnue [9].

La position officielle actuelle, selon laquelle le Tibet est devenu une partie de la Chine sous la dynastie des Yuan, a évolué au cours des deux premières décennies de recherches et de publications historiques en RPC, et a en partie été favorisée par la crise de 1959. Les écrivains de la période républicaine affirmaient que, si l’on excluait la sujétion aux Mongols, le Tibet était devenu une partie de la Chine sous la dynastie des Qing. De plus, lorsque les écrivains de la période républicaine affirmaient les droits souverains de la Chine sur le Tibet, ils tendaient à considérer le Tibet comme ayant été un État vassal des Qing plutôt que (comme le fait la Chine aujourd’hui) une partie intégrante de la Chine. Les termes utilisés pour qualifier le Tibet sous les Qing, fanbang, fanshu, etc., sont très particuliers, et peuvent être traduits par «État vassal» ou «État dépendant». Le paradigme impérial utilisé par les écrivains de la période républicaine pour décrire la place du Tibet dans l’Etat chinois ne laisse aucune ambigüité. En voici un exemple, tiré d’un ouvrage de 1926:

Ainsi, dans les 57e et 58e années du règne de Qianlong (1792 et 1793), les relations entre la Chine et le Tibet ont été radicalement réformées. La souveraineté de la Chine sur le Tibet a été fermement établie et par la suite mise en œuvre en termes pratiques.

À partir de l’époque de la réforme radicale susmentionnée, le Tibet a été simplement réduit à un État vassal de la Chine. La Chine possédait alors non seulement les droits suzerains sur le Tibet, mais également les droits souverains [10].

Cette interprétation n’a pas changé immédiatement après la fondation de la République populaire de Chine. Les déclarations chinoises de cette période évitaient de fixer une date pour l’incorporation du Tibet à la RPC, et se contentaient de signaler, comme le faisait «l’Accord en 17 points sur les mesures pour la libération pacifique du Tibet», signé par les représentants du gouvernement du dalaï-lama et du gouvernement central chinois le 23 mai 1951, que «la nationalité tibétaine est l’une des nationalités ayant une longue histoire à l’intérieur des frontières de la Chine [11]».

La conclusion selon laquelle le Tibet est devenu une partie de la Chine sous les Qing n’était au départ pas problématique. En 1953, quatre ans après la fondation de la RPC, l’un des écrivains chinois les plus connus sur le Tibet, Huang Fensheng, conservait cet élément chronologique dans son récit de l’histoire du Tibet [12].

Finalement, c’est la révolte de Lhassa et la fuite du dalaï-lama en 1959 qui ont provoqué les formulations plus claires et plus fermes de la position de la RPC sur le statut historique du Tibet. Un ouvrage intitulé À propos de la question du Tibet, publié la même année, affirmait d’une part que le Tibet «n’avait jamais été un pays indépendant, mais une partie de la Chine [13]», position qui a été révisée récemment comme nous le verrons plus tard, et d’autre part que les Mongols «avaient envoyé des forces armées au Tibet en 1253. Le Tibet a alors été incorporé dans l’empire des Yuan, et fait partieduterritoiredelaChinedepuislors [14]».

Cette notion selon laquelle le Tibet est devenu partie intégrante de la Chine durant la période Yuan (1271-1368) est restée une doctrine de l’historiographie chinoise dans les décennies qui ont suivi, et un nombre croissant de livres et d’articles soutenant cette thèse ont été publiés à partir du début des années 1980. Quelques références à certains de ces ouvrages suffiront à illustrer l’unanimité sur le sujet. Il existe bien entendu des exceptions. Lorsque la vaste étude de Huang Fensheng sur l’histoire du Tibet a été éditée pour une publication posthume, son éditeur, Wu Jun, a remarqué que des révisions étaient particulièrement nécessaires dans le récit de l’auteur sur les Yuan et les Ming [15]. Contrairement aux écrits précédents de Huang, cet ouvrage se conforme davantage à l’interprétation selon laquelle le Tibet est passé sous l’autorité chinoise sous les Yuan, et non sous les Qing. Cependant, peut-être à cause d’une erreur d’édition, l’ouvra-ge présente le Tibet comme un simple État vassal de la Chine durant la période de domination mongole [16].

Les histoires générales du Tibet publiées durant cette période soutiennent, implicitement ou explicitement, la thèse de l’appartenance du Tibet à la Chine depuis les Yuan. Quelques autres exemples sont révélateurs.

Wang Furen et Suo Wenqing (1981):

En 1288, le Zongzhiyuan a été renommé Xuanzhengyuan […]. Les régions d’Ü, Tsang et Ngari, etc., au Tibet, étaient sous son administration. Ainsi, toutes les régions tibétaines du pays se sont trouvées sous l’administration politique centrale de la dynastie des Yuan [17].

Chabpel Tshetän Phüntsok et Nortrang Orgyän (1990):

Par la suite, l’empereur Yuan [=Qubilai] a installé une garde unie au Tibet, et de cette base, il a placé le pouvoir de gouverner pour maintenir le Tibet entre les mains du Sakyapa. À partir de là, le Tibet est devenu un vrai sujet des empereurs de Chine [18].

Gyälmo Drukpa (1995):

Le résultat ultime [de l’utilisation par Qubilai de religieux tibétains dans sa gouvernance] a été la création d’une amitié profonde et durable entre les nationalités tibétaine et mongole, ce qui a rendu tangibles la grandeœuvre del’unificationdelamèrepatrie [19].

Le «Zangzu jianshi bianxieshu» («Le Comité de compilation d’une brève histoire de la nationalité tibétaine», 1985):

Cette série de mesures représentait la mise en œuvre, dans les régions tibétaines, de la politique générale de Qubilai pour unifier le pays. Les systèmes administratifs établis par la dynastie des Yuan au Tibet et dans d’autres régions, bien qu’ils diffèrent en certains points de ceux de l’intérieur de la Chine, étaient néanmoins une composante solide du système administratif du pays tout entier, sous l’administration directe du gouvernement central [20].

Il s’agit d’un petit échantillon des travaux affirmant que la position du Tibet en tant que partie de la Chine avait été établie dans la période du règne des Mongols. J’ai limité ces citations à des récits généraux de l’histoire du Tibet, avec l’objectif spécifique de situer cette position dans le cadre de la construction générale du passé historique du Tibet. Des ouvrages traitant plus particulièrement de la question de la souveraineté chinoise sur le Tibet, et qui soulignent égalment que la période des Yuan est cruciale dans l’établissement de cette souveraineté, sont aussi faciles à trouver [21]. La position très différente des Tibétains hors du Tibet est illustrée par les écrits de Tsipön Shakabpa, qui soutenait que la relation entre le Tibet et les dirigeants mongols des Yuan (mais aussi avec les dirigeants mandchous des Qing) n’était pas une relation de subordination, mais plutôt une relation entre «prêtre» et «protecteur», mal comprise comme une relation entre souverain et sujet. Son texte tibétain original situait les racines de cette incompréhension dans l’exceptionnalisme oriental qui rendait la relation «prêtre-protecteur» imperméable à toute catégorisation politique occidentale [22].

D’autres analystes tibétains hors de la RPC ont approché la question de façon similaire. S’ils n’ont pas relégué la question à une incompréhension d’une relation essentiellement religieuse, ils ont simplement exprimé cette relation en termes religieux. Khangkar Tshültrim Kälsang a écrit qu’après avoir été initié par Phakpa, Qubilai lui avait accordé les 13 myriarchies du Tibet, après quoi «tout le Tibet est devenu sujet du Sakyapa [23]». Pour sa part, Dongtok Tänpä Gyältsän écrit:

Ainsi, le pays du Tibet a été occupé par la lignée royale des Mongols pendant 49 ans. Finalement, grâce à Drogön chögyäl Phakpa de Sakya, pas une seule vie d’un seul être humain n’a souffert de difficultés, et grâce à la voie de l’ahimsa et à la paix, les trois ölge de la terre du Tibet ont été libérés de l’oppression étrangère, et les systèmes civils et religieux ont existé en toute indépendance [24].

L’assimilation du Tibet dans la République populaire de Chine

Puisque le Tibet est censé être devenu une partie de la Chine sous les Yuan, nous ferions bien de regarder brièvement la façon dont l’absorption du Tibet par la RPC est représentée. En effet, si le Tibet faisait déjà partie de la Chine depuis des siècles en 1951, alors l’incorporation du Tibet dans la RPC devrait nécessiter de sérieuses explications dans les discours tibétains et chinois sur l’histoire. Comme dans le cas les études historiques produites en RPC, les Tibétains en exil ont également produit des études sur des points spécifiques et circonscrits de l’histoire du Tibet et de la relation du Tibet avec la Chine [25]. Lorsque l’on s’intéresse à la question du Tibet et de la RPC, un élément marquant s’impose aussitôt. L’histoire du Tibet de Shakabpa est pratiquement la seule à poursuivre l’histoire au-delà des événements de 1950-1951 et à analyser la montée du mécontentement au Tibet, culminant avec le soulèvement des années 1950 et du début des années 1960. Les autres histoires tibétaines publiées hors de la RPC, citées précédemment, tendent à présenter l’histoire du Tibet dans un contexte marqué par les développements religieux, et terminent leur récit au milieu du XXe siècle. Il existe bien entendu d’importants comptes rendus tibétains sur le Tibet sous autorité chinoise, et, plus important, des mémoires liés à la rébellion des années 1950 et à la résistance qui s’en est ensuivie [26]. Mais ils sont d’une manière ou d’une autre séparés du reste de l’histoire tibétaine, et les événements qu’ils traitent ne sont en général pas intégrés dans des ouvrages ayant une approche globale de l’histoire du Tibet.

Il en va largement de même des ouvrages publiés en RPC, bien qu’ils ne mettent pas aussi strictement l’accent sur le facteur religieux dans l’histoire du Tibet. On ne peut pas simplement considérer que la nature des événements de cette période, en particulier dans les contextes diplomatiques et politiques actuels, est trop sensible, puisqu’il existe des histoires non exhaustives du Tibet qui traitent de la période post-1950. Cette division de l’histoire est sûrement partiellement due au fait que la fondation de la RPC en 1949 est considérée comme un tournant majeur dans l’histoire de la Chine en général. Au Tibet cependant, l’intégration de cette période dans une vision globale de l’histoire tibétaine est problématique pour d’autres raisons. Plusieurs histoires adoptent une vision téléologique de la progression de l’histoire. C’est particulièrement évident dans le texte de Dungkar Lobzang Trinlä, A Discussion of the Tibetan Dual Political and Religious System [27], dans lequel une vision évolutionniste de l’histoire tibétaine (par le biais de Hegel et Marx) est clairement énoncée, et où le point culminant de l’intégration des systèmes politiques et religieux dans le gouvernement tibétain est atteint, historiquement, avec la montée puis la chute du Gandän Photrang, le gouvernement tibétain traditionnel. Ainsi, la rupture est claire et l’histoire du Tibet après 1950 est considérée comme un autre sujet – bien que le gouvernement du dalaï-lama ait fonctionné au Tibet jusqu’en 1959.

Pour Shakabpa, la rupture n’est pas aussi radicale: selon lui, la création d’un gouvernement tibétain en exil est la continuation, non seulement de l’entité politique tibétaine, mais aussi de l’histoire tibétaine. Mais il est relativement seul à défendre cette position, hors de la RPC. Pour d’autres, on peut supposer que la rupture absolue dans l’histoire, justifiant la fin de la narration au milieu du XXe siècle, est liée à la façon dont le Tibet à l’intérieur de la RPC est considéré depuis l’exil: le gouvernement à l’intérieur du Tibet n’est plus un gouvernement tibétain, et la continuité culturelle est désormais considérée comme ayant été déplacée vers l’Inde. Les politiques suivies par la Chine dans les décennies précédant l’arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir ont certainement beaucoup contribué à cette perception d’une immense rupture. La déconnection entre l’histoire tibétaine pré-1950 et post1950 présentée en RPC est un peu différente. Il existe un net sentiment, déjà souligné avec Dungkar Lobzang Trinlä, que la «libération» du Tibet représente le point culminant d’un processus historique défini. Ceci place également le Tibet dans le cadre des schémas de périodisation utilisés dans l’historiographie moderne chinoise. L’histoire du Tibet au XXe siècle tombe tout particulièrement dans cette catégorisation distinguant l’histoire «contemporaine» (dangdai) de l’histoire «moderne» (jindai).

De nombreuses études publiées en RPC, sont consacrées à l’histoire moderne du Tibet, à la pacification du Tibet après le soulèvement de Lhassa en 1959, au travail de personnages importants au Tibet dans les années 1950 (Zhang Jingwu, Tan Guansan, Zhang Guohua, etc.), à des mémoires sur le travail au Tibet dans les années 1950, et plusieurs livres s’intéressent aux travaux et pensées de Mao Zedong et Zhou Enlai à propos du Tibet, etc. [28]. Mais au moins deux ouvrages traitent de l’histoire récente du Tibet selon la catégorisation que nous venons de mentionner. Xizang difang jindaishi [29] est, comme son nom l’indique, une histoire du Tibet à l’époque moderne. Il traite du Tibet du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, conformément à la compréhension de l’histoire «moderne» en Chine. Le second, Dangdai Xizang jianshi [30] estunebrèvehistoire du Tibet dans la période «contemporaine», et il traite donc presque exclusivement de la période post-1950. Bien qu’il soit qualifié de «brève» histoire, l’ouvrage comporte presque 500 pages. Dans ces pages, le traitement des débuts de l’intégration du Tibet dans la RPC mérite une brève comparaison avec l’approche adoptée par ceux qui écrivent en dehors de la RPC. Ainsi, la description du prélude à l’avancée de l’Armée populaire de libération au Tibet:

Malgré l’adhésion obstinée des autorités locales tibétaines à la position séparatiste et malgré leurs efforts de propagande anti-communiste à l’intérieur de la région tibétaine, les principes directeurs de la solution pacifique de la question tibétaine par le gouvernement central ont néanmoins pu être communiqués au Tibet par la radio ou d’autres canaux, entraînant une forte réponse de la part des personnalités des classes supérieures et des masses. Certains ont résolument condamné Takdra, ses dénonciations de l’impérialisme et son implication dans des activités en faveur de «l’indépendance» du Tibet. En mai 1950, le mandat de Kalön Lhalu Tshewang Dorje en tant que Chamdo Chikyab arrivait à son terme, et aucun des trois Kalön de Lhassa ne voulait aller le remplacer. Le régent Takdra a donc enfreint la coutume et promu Tsipön Ngapö Ngawang Jigme au titre de kalön supplémentaire, remplaçant Lhalu au poste de Chamdo Chikyap. Ngapö a clairement affirmé qu’ils ne devraient pas s’opposer au Parti communiste, mais engager des négociations de paix avec le Parti communiste. Cependant, son opinion n’a pas été acceptée par les autorités. Les trois principaux monastères, et quelques personnalités des classes supérieures n’ont pas non plus prôné la résistance armée à l’Armée populaire de libération. La grande majorité du peuple tibétain a entendu, par des marchands qui voyageaient entre le Xikang et le Tibet, que l’APL avait un comportement exemplaire dans les régions tibétaines du Xikang, où l’armée avait strictement adhéré aux politiques envers les nationalités, respecté les croyances religieuses, les coutumes et les habitudes du peuple tibétain. Ils espéraient encore plus vivement que l’APL avancerait au Tibet et y établirait rapidement des garnisons. L’unification de la mère patrie, l’union des peuples de toutes nationalités, les progrès communs: c’est là le principal courant du développement historique du peuple chinois depuis des milliers d’années. L’adhésion des autorités locales tibétaines aux positions séparatistes et leur résistance à la libération du Tibet n’ont reçu aucun soutien populaire [31].

La téléologie à l’œuvre ici est évidente dans sa référence au «principal courant du développement historique du peuple chinois». Elle sert à connecter le récit historique qui s’est développé après 1959, selon lequel le Tibet est devenu une partie de la Chine sous la dynastie des Yuan, à la compréhension de la «libération» du Tibet en 1951: il s’agit de deux épisodes d’un inévitable processus linéaire.

Ceci distingue nettement le passage que nous venons de citer du type de discours circulant chez les Tibétains hors de la RPC. L’approche de cette période de l’histoire tibétaine est alors un récit politique direct, principalement fondé sur la perception de relations du Tibet avec la Chine ancrées dans une relation de «prêtre-protecteur», et sur la continuité de l’indépendance du Tibet. Ainsi, dans le récit de Shakabpa on peut voir que la place de la relation entre le Tibet et la dynastie Yuan se maintient jusqu’au XXe siècle. Shakabpa retrace en effet l’insistance du gouvernement tibétain, dans sa correspondance avec le nouveau gouvernement chinois avant 1950, sur la relation «prêtre-protecteur» comme étant la forme appropriée des relations entre le Tibet et la Chine. Les revendications chinoises dépassant ce cadre sont, selon lui, sans fondement historique:

En octobre 1949, l’année du bœuf de terre, le Parti communiste chinois rouge, après avoir occupé l’ensemble de la Chine, a proclamé publiquement, encore et encore, par la radio de Pékin et de Xining, dans l’Amdo, des déclarations sans fondement, affirmant que, puisque le Tibet faisait partie de la Chine, l’Armée populaire de libération allait être envoyée au Tibet pour le libérer de l’oppression des pays étrangers; et que le peuple tibétain devait se révolter contre le gouvernement du dalaï-lama [32].

Khangkar Tshültrim Kälzang décrit les revendications chinoises sur le Tibet d’une façon similaire à celle de Shakabpa:

En 1949, après avoir occupé toute la Chine, les Chinois rouges ont fait des proclamations sans fondement, prétendant que le Tibet appartenait à la Chine, et le gouvernement tibétain a répondu depuis le centre de diffusion radiophonique de Lhassa que le Tibet était indépendant. En 1950, les Chinois rouges ont envahi le Tibet et atteint le Chamdo [33].

Shakabpa ne fait pas non plus mention d’un conflit entre le gouvernement tibétain et Ngapö, avant son envoi vers les Khams mentionné dans le récit chinois cité ci-dessus:

Alors que le mandat du Shabpä Lhalu Tshewang Dorje, le fonctionnaire en charge des affaires civiles et militaires de l’est du Tibet, arrivait à son terme, Tsipon Ngapö Ngagwang Jigme a été nommé kalön, afin d’être son nouveau remplaçant. Il a été nommé Domä Chikyap et est arrivé au Chamdo avec son personnel [34].

Le traité tibéto-mongol

Ceci nous amène à un autre élément digne d’attention. Après avoir étudié la présentation de l’histoire du Tibet sous l’angle de l’intégration du Tibet à la Chine, nous pouvons nous tourner brièvement vers la présentation accordée à l’affirmation historique de l’indépendance du Tibet. Il s’agit du traité tibéto-mongol, conclu en 1913 par le Tibet et la Mongolie après l’effondrement des Qing [35].

En Chine, les références à l’existence de ce traité ont parfois été méprisantes, une publication sur la question tibétaine faisant référence au «prétendu “traité entre la Mongolie et le Tibet” sur lequel de nombreuses rumeurs circulaient au débutdel’année1913 [36]».D’autrespublicationsontprésenté le traité comme un instrument de la pénétration russe au Tibet, et contestent sa validité [37].

Le traité apparaissait dans les références chinoises durant la période républicaine. Les connaissances à son sujet proviennent essentiellement d’une description donnée par Sir Charles Bell en 1928, dans Tibet. Past and Present [38]. Xizang waijiao wenjian, compilé par Wang Guangqi en 1929, consiste essentiellement (comme son titre l’indique) en des traductions de documents liés aux contacts du Tibet avec les pays étrangers, documents présentés par Bell dans les annexes de Tibet. Past and Present. Des commentaires de certains de ces documents, dont le traité tibéto-mongol, sont également présentés; le bref commentaire du traité est en partie une traduction du texte de Bell. Le traité en lui-même est présenté dans ses versions anglaise et chinoise [39], bien qu’il soit important de signaler que la version anglaise de Bell n’est pas une traduction directe du document original en tibétain. Un ouvrage plus récent, Zangzu jianshi, reproduit (et cite) une opinion que Bell luimême rapporte et suivant laquelle, l’existence du traité ne serait qu’une rumeur infondée. Mais Bell avait aussi ajouté que le dalaï-lama contestait une telle interprétation [40].

Une étude chinoise datée de 2001, portant sur la pénétration britannique et russe au Tibet, Yingguo Eguo yu Zhongguo Xizang, se démarque de cette large dépendance envers Bell en ce qui concerne le traité, et s’inspire des écrits russes et des documents du ministère des Affaires étrangères britannique. Les références au traité que l’on trouve ici montrent que les correspondances entre les gouvernements britannique et russe dans les premiers mois suivant la conclusion du traité expriment un accord commun sur le fait que le traité ne constitue pas un instrument international valide [41].

Il serait utile de présenter ici une traduction du traité, directement à partir du tibétain, aucune traduction de la sorte n’ayant encore été faite. Le texte en tibétain n’est en effet disponible dans les archives d’État de Mongolie que depuis trois ans. Comme le montre le texte, le traité affirme clairement, dès le début, l’indépendance du Tibet et de la Mongolie:

[1] Le Tibet et la Mongolie sont tous les deux sortis de la domination de l’État mandchou. Après s’être séparés de la Chine, le Tibet et la Mongolie se sont constitués en nations indépendantes. Depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, le Tibet et la Mongolie ont eu des relations très proches, fondées sur leur estime commune pour la Doctrine [bouddhiste]. Ainsi, afin de conclure un traité renforçant encore à l’avenir [leurs relations], le fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères [Tib. Ya-mon < Ch. Yamen; «bureau du gouvernement»], investi par ordre du Grand Empereur de la Nation Mongole [2], des pouvoirs plénipotentiaires de signer des traités, Da blam-a Niyta Biligtü [Tib. T bla-ma Nyig-tha sbilegs-thu] Rabdan; et le vice-ministre ang un Manglai Ba’atur Beyile [Tib. Cang-cun (<Ch. Jiangjun; «général») Lmang-las Dpa’-thur Dpal-li] Damdingsürün; [3]avec le Conseiller Personnel et Moine [du dalaï-lama], Lobzang Ngawang, investi des pouvoirs plénipotentiaires de signer des traités par le précieux dalaï-lama, Grand Empereur du Tibet; l’Officier de Liaison [du dalaï-lama], Ngawang Chödzin; l’Officier Ecclésiastique [attaché au Potala; c’est-à-dire. sous autorité du dalaï-lama] et Gérant de la Holding Bank Urga [du dalaï-lama], Yeshe Gyatso; et le vice-secrétaire Gendün [4] Kälzang ont conclu le traité suivant:

Article premier. Les Mongols ont établi un État indépendant et, le 9 e jour du 11 e mois, ont honoré le maître de la doctrine des Bonnets jaunes, le Précieux Jetsün dampa Qutuytu [Tib. Hu-thog-thu] en tant que Grand Maître et Empereur. Les éloges du Grand Maître et Empereur du Tibet, le [5] précieux dalaï-lama sont fermes et immuables.

Article deux. Les Tibétains ont établi un État indépendant et honoré le victorieux et puissant précieux dalaï-lama comme leur Grand Maître et Empereur. Les éloges du Grand Maître et Empereur de Mongolie, le précieux Jetsün dampa Qutuytu [6] sont fermes et immuables.

Article trois. Afin que la précieuse doctrine du Bouddha continue à se répandre, les deux États doivent consentir tous les efforts par la consultation et la discussion.

Article quatre. Dorénavant, le Tibet et la Mongolie devront s’apporter aide et assistance contre les menaces internes et externes.

[7] Article cinq. Chaque partie devra apporter de l’aide sur son propre territoire à ceux voyageant entre les deux pour des affaires religieuses ou civiles, ou pour des études religieuses ou civiles.

Article six. Pour permettre le [8] développement à son plein potentiel du commerce entre le Tibet et la Mongolie des biens, troupeaux et peaux qu’ils produisent, ainsi que les échanges monétaires, il ne devra y avoir, comme auparavant, aucune obstruction.

Article sept. À partir de maintenant, lorsque des prêts sont consentis, un sceau officiel [Tib. ya-mon] doit être requis au moment de leur accord. S’il est scellé mais que le sceau n’est pas intact, il ne peut y avoir aucun fondement à demander au bureau le remboursement du prêt. Toute partie ayant des dettes antérieures à la conclusion de ce traité, pour lesquelles [9] il y a eu un [illisible] réel, est autorisée à réclamer et obtenir le remboursement de ces dettes. Cependant, ceci n’est pas de la responsabilité du Šabi ou du Qosi un [Tib. Sha-spi Ho-shonrnams; i.e., les autorités gérant les biens immobiliers des monastères ou celles des bannières].

Article huit. Après la conclusion de ce traité, si une question nécessite un amendement, les deux États, le Tibet et la Mongolie, peuvent appeler à des négociations conjointes entre leurs représentants plénipotentiaires.

Article [10] neuf. Ce traité a été conclu, et à partir du moment où les sceaux ont été appliqués, fermes et immuables, il devient par conséquent déterminé et fixe, scellé par le fonctionnaire plénipotentiaire du ministère des Affaires étrangères, investi par le Grand Maître et Empereur de la Nation Mongole, ayant les pouvoirs de signer des traités, Da blam-a Niyta [11] Biligtü Rabdan; et le vice-ministre , ang un Manglai Ba’atur Beyile Damdingsürün; avec le sceau [le sceau est apposé ici] du Conseiller Personnel et Moine [du dalaï-lama] Lobzang Ngawang, ministre plénipotentiaire [12] nommé et investi par le précieux et victorieux puissant dalaïlama, Grand Maître et Empereur du Tibet, avec les pouvoirs de signer des traités; le sceau [le sceau est apposé ici] de l’Officier de Liaison [du dalaï-lama], Ngawang Chödzin; l’Officier Ecclésiastique [attaché au Potala; i.e. sous autorité du dalaï-lama] et Gérant de la Holding Bank Urga [du dalaï-lama], Yeshe Gyatso; et le vice-secrétaire [13] Gendün [4] Kälzang.

La deuxième année du règne du roi Mong-bkur des Mongols, le 4e jour du 12e mois de l’année du Rat d’eau [11 janvier 1913].

«Depuis les temps anciens»: la nouvelle vision des relations du Tibet avec la Chine

Ce paragraphe de conclusion s’intéressera à un développement très récent qui présage d’un changement distinct dans les polémiques liées à l’histoire du Tibet. Les tendances de l’historiographie chinoise sur le Tibet que nous avons décrites précédemment – selon lesquelles le Tibet est devenu une partie de la Chine durant la dynastie des Yuan – ont tenu pendant plusieurs décennies. La nouvelle position est plus intransigeante, avec une revendication historique encore plus importante. Cette nouvelle position soutient que le Tibet fait partie de la Chine «depuis les temps anciens», c’est-à-dire depuis bien avant les Yuan. Ce changement semble faire partie d’une plus grande affirmation de soi de la Chine sur la question du Tibet, développée au moment des événements de 2008 qui ont placé la République populaire sur une position défensive à propos du Tibet. Mais après les jeux Olympiques d’été et le développement de la crise financière, la Chine s’est retrouvée dans une position de force, en tant que puissance internationale montante. Elle a mis fin à la mascarade qui avait conduit un grand nombre d’observateurs crédules à penser qu’elle pouvait être désireuse d’arriver à un compromis avec le dalaï-lama sur la question du Tibet. Une position plus dure sur le statut historique du Tibet est alors apparue. Les déclarations récentes sont significatives car elles montrent le large accord et même le langage commun qui caractérisent des positions sanctionnées comme politiques officielles. Plusieurs occurrences de cette nouvelle position sont apparues. De façon très significative, une dépêche Xinhua du 5 mai 2008 revêtait un ton propre aux déclarations officielles lorsqu’elle proclamait que «[l’affirmation selon laquelle] “le Tibet fait partie de la Chine depuis les temps anciens” est fondée sur une base théorique issue de la géographie historique de la Chine».

Et de fait, l’élément théorique de cette nouvelle vision historique est présenté très clairement, inspiré des travaux de Tan Qixiang (1911-1992), le célèbre professeur de géographie historique en Chine. Cette dépêche cite ce qu’elle considère être un de ses articles de référence, publié en 1981, «La Chine historique et les frontières dynastiques de la Chine». Ce texte est très clair:

Comment traitons-nous la question de la Chine historique ? Nous considérons comme sphère historique de la Chine le territoire de la dynastie des Qing, après son unification totale et avant l’empiètement de l’impérialisme en Chine, c’est-à-dire le territoire de la Chine de 1750 à 1840, juste avant les guerres de l’opium. C’est cette sphère que nous appelons Chine historique. Qu’il s’agisse de siècles ou de millénaires, nous considérons les nationalités actives à l’intérieur de cette sphère comme les nationalités historiques de la Chine; les régimes mis en place à l’intérieur de cette sphère sont considérés comme les régimes historiques de la Chine. C’est une réponse simple. Audelà de cette sphère ne se trouve aucune nationalité ni aucun régime chinois.

[…] Certains camarades considèrent le Tibet Tufan [i.e., le Tibet de l’ère impériale] comme faisant partie de la dynastie des Tang; ceci va à l’encontre de la réalité historique. Les Tang et le Tibet se sont affrontés plusieurs fois en tant qu’ennemis, et les alliances maritales et relations amicales étaient rares. Et lorsque les alliances maritales et relations amicales existaient, les Tang ne contrôlaient absolument pas le Tibet. Les relations entre la dynastie des Han et les Xiongnu étaient essentiellement les mêmes que celles de la dynastie des Tang avec les Turcs et Ouigours. Nous ne pouvons que reconnaître que Turpan, les Xiongnu, les Turcs et les Ouigours faisaient partie de la Chine historique; mais on ne peut pas dire qu’ils faisaient partie des dynasties des Han ou des Tang [42].

L’article de Xinhua continue ainsi:

[L’affirmation selon laquelle] «le Tibet fait partie de la Chine depuis les temps anciens» est fondée sur la célèbre thèse de Tan Qixiang. C’est comme le Xijiang, la Mongolie Intérieure, le Ningxia, le Nord-Est, Taiwan, le Yunnan, le Guizhou, le Hunan et le Hubei, le Guangdong et le Guangxi, et même Pékin et Nankin, etc.: ces endroits font partie de la Chine depuis les temps anciens. Il n’est pas nécessaire de s’intéresser davantage à la question du moment où ils ont été placés sous l’administration effective de l’autorité politique de la Plaine Centrale ou du gouvernement central [43].

Il ne s’agit pas de ruminations politiques isolées. J’irais même jusqu’à dire que ceci représente une nouvelle tactique dans la polémique entourant les revendications historiques de la Chine sur le Tibet. D’autres articles sont apparus, faisant écho à ce premier texte. Avec une nette autorité, Sun Yong, vice-directeur de l’Académie tibétaine des sciences sociales, a accordé une interview à des journalistes du Quotidien du peuple, qui a été diffusée sur le site Internet du journal le 26 février 2009. Il présente les points soulevés par l’article de Xinhua avec une pertinence précise pour le Tibet:

Quand nous disons aujourd’hui que le Tibet fait partie de la Chine depuis les temps anciens, il s’agit d’un fait historique. Dire «depuis les temps anciens» ne revient pas à dire «depuis la dynastie des Yuan»; mais plutôt «depuis les débuts de l’activité humaine». Dans cette perspective, dire que «le Tibet fait partie de la Chine depuis les temps anciens» ne revient pas non plus à dire que «le régime du Tibet depuis les temps anciens a toujours fait partie de la zone effectivement gouvernée par l’autorité politique des Plaines Centrales ou l’autorité politique du gouvernement central». Cela revient plutôt à dire que «l’histoire de cette terre, le Tibet, a, depuis que l’activité humaine a commencé, fait partie de l’histoire chinoise». Que ce soit comme partie de l’histoire des régions frontalières de la Chine, ou comme partie de l’histoire des minorités nationales de la Chine, ce n’est de toute façon absolument pas une partie de l’histoire de quelque pays étranger que ce soit. La formulation «ce n’est qu’après que le Tibet a été intégré au territoire chinois pendant la dynastie des Yuan que le Tibet est devenu une partie de la Chine» présente une faille évidente. Selon le célèbre tibétologue Wang Furen qui s’exprimait dans les années 1980, dire que le Tibet a rejoint le territoire de la Chine sous la dynastie Yuan revient à dire que le Tibet avait eu une période hors de la mère patrie; qu’avant le XIIIe siècle, le Tibet ne se trouvait pas en Chine. Ceci ne correspond pas au fait historique du processus évolutionniste de l’inséparabilité historique de la Chine.

[…] Depuis les temps anciens, toutes les nationalités fraternelles ont créé ensemble notre grande mère patrie. Ceci correspond au verdict du développement historique. Cette thèse est appelée «la thèse des temps anciens» et «la thèse du tous ensemble». Selon la «thèse des temps anciens» et la «thèse du tous ensemble» à l’intérieur de la sphère formatrice des frontières de la Chine ancienne, les nationalités qui étaient actives en Chine ancienne sont la source de la nationalité chinoise moderne. L’histoire de la formation et du développement de ces nationalités est une partie organique de l’histoire de la Chine; les régimes politiques qu’elles ont établis, qu’il s’agisse de dynasties centrales ou de régimes régionaux, ont tous été des régimes politiques à l’intérieur de la Chine. Nous pouvons ainsi tirer une conclusion nette: l’histoire de la nationalité tibétaine depuis les temps anciens est une composante de l’histoire de la nationalité de la Chine. La nationalité tibétaine a, depuis les temps anciens, vécu à l’intérieur des frontières de la Chine. À l’intérieur des frontières de la Chine ancienne, la nationalité tibétaine a été un membre important de la grande famille multinationale de la Chine. La région du Tibet peuplée par la nationalité tibétaine fait partie de la Chine depuis les temps anciens [44].

Il faut terminer par quelques mots sur cette réorientation d’une pensée toujours polémique. Le point de départ de l’argument est étonnamment simple: les frontières de la dynastie Qing à son apogée représentent la Chine historique, et dans cette zone n’existe que l’histoire chinoise. Alors qu’il est problématique pour de nombreux universitaires de considérer les Qing dans leur intégralité comme un État chinois, ce point n’est pas pertinent pour les défenseurs de la «thèse des temps anciens» qui affirme effectivement la circonscription historique chinoise de façon rétroactive. Il n’est donc pas nécessaire de pinailler sur le fait que les Ming aient ou non exercé leur contrôle sur le Tibet après la chute des Yuan. En fait, il se pourrait que la faiblesse de l’argument fondé sur la souveraineté chinoise depuis les Yuan, mentionné précédemment, ait joué un rôle dans ce changement dans la polémique. De toute façon, la nouvelle thèse considère toutes les entités politiques historiques à l’intérieur des frontières Qing à leur apogée comme des régimes chinois, comme les historiens l’ont fait avec les dynasties concurrentes durant les périodes de division de la Chine. Sun Yong affirme de ce fait qu’une région comme le Tibet n’a pas d’histoire hors de la Chine, depuis les débuts de toute activité humaine sur le Plateau. Selon cette thèse, il n’y a tout simplement pas d’histoire tibétaine indépendante. Cela semble absurde, mais c’est ainsi. Les ramifications de cette étonnante proposition devraient être intéressantes, puisque la thèse ne semble pas non plus laisser de place à une histoire mongole indépendante, et attribue à des régions qui se trouvent aujourd’hui en Inde, comme l’Arunachal Pradesh, une histoire seulement chinoise – depuis les temps immémoriaux. Une chose est claire: la Chine continue à prendre les débats historiques sur le statut du Tibet très au sérieux.

Notes

[1] Pour des exemples de la documentation réunie par la Chine pour soutenir sa position selon laquelle le Tibet fait historiquement partie de la Chine, voir Elliot Sperling, The Tibet-China Conflict: History and Polemics, Washington, East-West Center Policy Studies, n°7, 2004, p. 37-38, note 10.

[2] www.cctv.com/english/special/Tibethistory/02/index.shtml, 2 novembre 2008.

[3] L’* indique une hypothèse de reconstruction phonologique du tibétain.

[4] Xizang zizhiqu dang’anguan, Xizang lishi dang’an huicui (Recueil d’archives historiques du Tibet), Cultural Relics Publishing House, Pékin, 1995, doc. 23. Il reste difficile d’identifier Shuk Künkyab. Je suis néanmoins reconnaissant envers Roberto Vitali, qui m’a gentiment signalé la possible reconstruction du nom de ce personnage en «Hrugs» (i.e., = Shuk, en phonétique grossière), à partir de la retranscription chinoise du nom (Shuosi) et de l’existence de l’important clan des Hrugs dans la région. Il s’agit en effet du clan du fameux interprète Rinchen Sangpo. Voir Guge Khyithangpa Dznyana shr , The Lamp of Austerities of the Successive Lives of the Bodhisattva Translator Rinchen Sangpo. A Continuous Crystal Rosary of Biography, Organizing Committee for the Commemoration of 1000 Years of Tholing Temple, McLeod Ganj, 1996, p. 12.

[5] Gu Zucheng et al., Ming shilu Zangzu shiliao (Matériaux historiques tibétains de l’histoire des Ming), Tibet People’s Publishing House, Lhassa, 1982, p. 34.

[6] Voir la biographie de Wei Zheng dans Zhang Tingyu et al., Mingshi (Histoire des Ming), Zhonghua Press, Pékin, 1974, 134:3905-3906.

[7] Voir Gu Zucheng, Ming shilu Zangzu shiliao, op. cit., p. 29-30.

[8] Gu Zucheng, Ming shilu Zangzu shiliao, op. cit., p. 59 et 60, fait référence aux missions de tributs enregistrées dans des paragraphes datés du 28 décembre 1381 et du 28 février 1382.

[9] Voir les textes de ces accords dans Alistair Lamb, The McMahon Line, Routledge and Kegan Paul, Londres, 1966, p. 237–64.

[10] Xie Bin, Xizang wenti (La question du Tibet), Commercial Press, Shanghai, 1926, p. 20–21. Pour d’autres exemples, voir Sperling, The Tibet-China Conflict: History and Polemics, op. cit., p. 38.

[11] Voir Xizang zizhiqu dang’anguan, Xizang lishi dang’an huicui, op. cit., doc. 100.

[12] Huang Fensheng, Xizang qingkuang (La situation du Tibet), Map Publishing House, Shanghai, 1953, p. 111. Voir Sperling, The Tibet-China Conflict: History and Polemics, op. cit., p. 38.

[13] Concerning the Question of Tibet, Foreign Languages Publishing House, Pékin, 1959, p. 195.

[14] Ibid., p. 190.

[15] Huang Fensheng, Zangzu shilüe (Une brève histoire des Tibétains), Nationalities Publishing House, Pékin, 1985, p. 9: «En faisant ces révisions, j’ai divisé les questions sur lesquelles un consensus de base avait déjà émergé en celles qui devaient être corrigées, et celles qui devaient être annotées, comme l’administration des régions tibétaines sous les Yuan et les Ming, etc.».

[16] Ibid., p. 224: «À la fin des Yuan, la dégénérescence de la classe dirigeante mongole allait de pair avec une révérence excessive envers le bouddhisme tibétain. Le Tibet est allé encore plus loin, et est devenu un État vassal de la Chine».

[17] Wang Furen et Suo Wenqing, Zangzu shiyao (Résumé de l’histoire tibétaine), Sichuan Nationalities Publishing House, Chengdu, 1981, p. 75.

[18] Chabpel Tshetän Phüntsok et Nortrang Orgyän, Brief History of Tibet. A Turquoise Rosary, Ancient Texts Publishing House, Lhassa, 1990, p. 56-57: de-rjes Bod-du Yon gong-ma’i gcig-gyur-gyi srung-dmag btsugs-te gzhi-nas Bod sa-gnas-kyi bdag-skyong dbang-cha de Sa-skya-ba’i ’og-tu gcig-bsdus byung-zhing/ de-nas-bzung Bod-’di Krung-go’i gong-ma’i mnga’-khongs-su dngos-su chod-pa yin/.

[19] Gyälmo Drukpa, Discussion on the History of Tibet, Nationalities Publishing House, Pékin, 1995, p 229: mthar-thug don-gyi ’bras-bu ni Bod-Sog mi-rigs bar-gyi mdza’-’brel dam-zab dang Mes-rgyal gcig-gyur yong-bar bya-bzhag rlabs-po-che gzugs-can lta-bu ’di bskrun-pa lags-so/.

[20] Zangzu jianshi bianxiezu, Zangzu jianshi (Une brève histoire de la nationalité tibétaine), Tibet People’s Publishing House, Lhassa, 1985, p. 153.

[21] Voir, entre autres, Deng Ruiling, Yuan-Ming liangdai zhongyang yu Xizang difang de guanxi (Relations entre le gouvernement central et les régions tibétaines sous les dynasties des Yuan et des Ming), China Tibetology Publishing House, Pékin, 1989; Wang Gui et al., Xizang lishi diwei bian (Discussion sur le statut historique du Tibet), Nationalities Publishing House, Pékin, 1995; Wang Jiawei et Nima jianzan, Zhongguo Xizang de lishi diwei (Le statut historique du Tibet chinois), Wuzhou Propagation Publishing House, Pékin, 2000; et Zhang Yun, Yuandai Tufan difang xingzheng tizhi yanjiu (Étude du système administratif des zones tibétaines sous la dynastie des Yuan), Chinese Academy of Social Sciences Publishing House, Pékin, 1998.

[22] Voir Sperling, The Tibet-China Conflict: History and Polemics, op. cit., p. 19-20, avec des citations du texte original de Shakabpa en tibétain.

[23] Khangkar Tshültrim Kälzang, Tibet and the Tibetans. A Compendium of Tibetan History, New Delhi, Western Tibetan Cultural Association, 1980, p.139: ’di-nas bzung Bod-khams thams-cad Sa-skya-ba’i mnga’-’bangs-su gyur/.

[24] Dongtok Tänpä Gyältsän, A History of Snowy Tibet. Unprecedented Analytical Annals of Movemented Years and Times. A Melody that Rejoices the Learned Witnesses, Sapan Institute, Shoreline WA, 2002, p. 173: de-ltar Bod rgyal-khab Hor rgyal-rgyud-kyis lo bzhi-bcu-zhe-dgu’i ring btsan-bzung byas mthar/ Sa-skya’i ’Gro-mgon chos-rgyal ’Phags-pas ’gro-ba mi-gcig-gi tshe-srog-la’ang gnod-’tshe ma-phog-par ’tshe-med zhi-ba’i lam-nas Bod-yul chol-kha gsum phyi-rgyal-gyi btsan-gnon ’og-nas thar-te chos-srid gnyis-ldan rang-btsan gtsang-ma’i gnas-la bkod mdzad

[25] Voir Domäpa Yöntän Gyatso, Proof that Tibet Can Absolutely Not Be Called a Part of China. The Quintessence of Truth, Office of International Relations, Dharamsala, 1991; Dzongtse Champa Thubtän, The Evolution of the Priest-Patron Relationship between Tibetans, Mongols and Manchus, Library of Tibetan Works and Archives, Dharamsala, 2000; et An Analysis of the Relation between Tibet and Manchus, in Five Periods, Dharamsala, Research and Analysis Centre, Department of Security, 1999.

[26] Par exemple: Gadraupön Rinchen Tshering et Chamdo Drungyig Lobzang Wangdü (éd.), History of Chushi Gangdruk, Welfare Society of Central Dokham Chushi Gangdruk, Delhi, 2000; et Tsongka Lhamo Tshering, Resisting Agression, Dharamsala, Amnye Machen Institute, 1992.

[27] Dungkar Lobzang Thrinlä, A Discussion of the Tibetan Dual Political and Religious System, Nationalities Publishing House, Pékin, 1981, p. 1-3.

[28] Voir, par exemple, Xizang geming huiyilu (Mémoires de la révolution auTibet), Tibet People’s Publishing House, Lhassa, 1981; Lin Tian, Xizang chunqiu (Annales du Tibet), China Tibetology Publishing House, Pékin, 1990; Xiao Hao, Xizang 1951 nian (Le Tibet en 1951), Nationalities Publishing House, Pékin, 1999; Zhao Shenying, Zhongyang zhu Zang daibiao Zhang Jingwu (Zhang Jingwu, commissaire du gouvernement central au Tibet), Tibet People’s Publishing House, Pékin, 1995; Jiangbian jiacuo, Xueshan mingjiang Tan Guansan (Le fameux général Tan Guansan dans les montagnes de neige), China Tibetology Publishing House, Pékin, 2001; Zhao Shenying, Zhang Guohua jiangjun zai Xizang (Le général Zhang Guohua au Tibet), China Tibetology Publishing House, Pékin, 1998; Mao Zedong Xizang gongzuo wenxuan (Œuvres choisies de Mao Zedong sur le Tibet), China Tibetology Publishing House, Pékin, 2001; et Zhou Enlai yu Xizang (Zhou Enlai et le Tibet), China Tibetology Publishing House, Pékin, 1998.

[29] Xu Guangzhi, Xizang difang jindaishi (Histoire du Tibet à l’époque moderne), Tibet People’s Publishing House, Lhassa, 2003.

[30] Danzeng, Dangdai Xizang jianshi (Brève histoire du Tibet contemporain), Pékin, Contemporary China Publication House, 1996.

[31] Danzeng, Dangdai Xizang jianshi, op. cit., p. 45.

[32] Shakabpa Wangchuk Dedän, A Political History of Tibet, Shakabpa House, Kalimpong, 1976, vol. 2, p. 408: sa-glang 1949 spyi-zla 10 nang Rgya-dmar gung-bran-tang-nas Rgya-nag yongs-rdzogs blangs-rjes/ Be-cing dang/ Mtsho-sngon khul Zi-ling-nas yongsgrags rlung-’phrin thog brjod-gsal/ Bod-ni Rgya-nag-gi khongs-gtogs-shig-yin-pas phyirgyal btsan-dbang rgyal-khab-kyi ’og-nas bcings-bkrol-gtong-bar Rgya-dmar-gyi bcingsbkrol dmag-mi Bod nang-la gtong-rgyu yin-tshul dang/ Bod-kyi mi-dmangs-nas T -la’i bla-ma’i gzhung-la ngo-log rgyag-dgos sogs khungs-med-kyi khyab-grags yang-yang byas…

[33] Khangkar, Tibet and the Tibetans. A Compendium of Tibetan History, op. cit., p. 620.

[34] Ibid., p. 414-415: Mdo-smad zhi-drag spyi-’doms zhabs-pad Lha-klu Tshe-dbang rdo-rje dus-rdzogs-pas tshab-gsar-du rtsis-dpon Nga-phod Ngag-dbang ’jigs-med-la bka’-blon bsko-gzhag gnang-thog/ Mdo-spyi’i las-’khur stsal-te ngo-las rnams Chab-mdor ’byor/

[35] Je travaille à un article séparé uniquement consacré à ce traité.

[36] Jing Wei, 100 Questions About Tibet, Beijing Review Publications, Pékin, 1989, p. 19-20.

[37] Voir par exemple Zhou Weizhou, Ying-E qinlüe woguo Xizang shilüe (Une brève histoire de l’invasion anglaise et russe de notre Tibet), Shaanxi People’s Publishing House, Xi’an, 1984, p. 239-240.

[38] Sir Charles Bell, Tibet. Past and Present, The Clarendon Press, Oxford, 1924, p. 151 et 304-305.

[39] Wang Guangqi, tr. Xizang waijiao wenjian, Taiwan Student Book Company, Taipei, 1973, p. 20-21 et 129-136

[40] Zangzu jianshi bianxiezu, Zangzu jianshi, op. cit., p. 365.

[41] Zhou Weizhou, Ying-E qinlüe woguo Xizang shilüe, op. cit., p. 369. Remarquons que le terme utilisé pour le traité est ici xieding, ce qui dénote un «accord».

[42] news.xinhuanet.com/politics/2008-/05/content_8106611.htm, 14 mai 2009.

[43] news.xinhuanet.com/politics/2008-/05/content_8106611.htm, 14 mai 2009.